NICOLAS BARY, DANS L’OMBRE ET LA LUMIÈRE DE BARDOT

C’est lors du dernier Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2025 que nous avons créé des affinités avec ce brillant garçon, aussi gentil que sensible, et d’une belle générosité… pas étonnant qu’il fasse du cinéma ! 

Scénariste et producteur du film événement attendu en décembre, Nicolas Bary revient sur la genèse d’un projet aussi ambitieux qu’intime. Avec Bardot, il s’attaque à un monument de la culture française, dans toute sa complexité.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisateur, scénariste et producteur pour le cinéma ?
En fait, moi j’ai commencé mes courts-métrages quand j’étais au lycée avec mes copains, mes cousins, et j’avais envie d’adapter au cinéma les œuvres que j’avais aimées gamin. Il y avait Les Enfants de Timpelbach, un livre que j’ai lu à 9 ans, la BD Soda de Philippe Tome que je dévorais, et des jeux de rôle comme Polaris, dans lequel je jouais. Aujourd’hui, je travaille justement sur tous ces projets. Les Enfants de Timpelbach, c’est devenu mon premier long-métrage, j’avais 26 ans. J’ai toujours eu un côté producteur-entrepreneur, et aujourd’hui je produis aussi d’autres réalisateurs et réalisatrices. C’est le cas de Bardot : je ne l’ai pas réalisé, mais je l’ai co-écrit et produit. J’avais envie de faire un projet sur elle, parce que l’avocat de la Fondation Bardot, ami de ma famille, m’en parlait souvent. J’ai été surpris, intrigué, et un jour je me suis dit : « J’aimerais faire un film sur elle ». C’est une femme de contrastes, et dans sa vie, énormément de sujets se croisent, voire s’entrechoquent.

Comment on arrive à écrire un tel scénario ? On met les choses dans quel ordre ?
C’est un projet qu’on a construit de manière très empirique. On ne réalisait pas à quel point il existait des milliers et des milliers d’archives, de photos, de documents sur Brigitte Bardot. C’est probablement la femme la plus photographiée et filmée au monde. À son époque, elle déchaînait les émotions, elle a vécu l’arrivée des paparazzis, et même après avoir arrêté le cinéma il y a 50 ans, elle a continué à être photographiée à La Madrague, parfois à son insu, ou à travers ses engagements pour la cause animale. Quand on commence à travailler sur Bardot, c’est comme plonger dans un puits sans fond. Le tri a été difficile, et trouver une narration cohérente aussi, tant les thématiques sont nombreuses. Il y a la femme libre, la chanteuse, la star, l’icône, la question de la place de la femme, ses nombreux amours, ses combats, la mode, son image… Elle a changé les codes, marchait pieds nus, portait la marinière. Une vraie icône. Il a fallu faire des choix pour que cela tienne dans un film de cinéma, et non dans une série.

Comment vous avez équilibré les différentes facettes dans le scénario ?
Il ne fallait surtout pas que l’équipe tombe dans une forme de fanitude. En tant que producteur, j’ai gardé un regard aussi objectif que possible. Il fallait qu’on puisse raconter cette femme de contrastes avec justesse. Chez elle, les opposés sont très marqués. Elle possède des parts de lumière immenses et aussi des zones d’ombre très fortes. Il fallait réussir à parler de tout cela avec sincérité, sans jugement, et surtout en trouvant une ligne de vie, un fil rouge qui relie tout ça.

Y a-t-il des aspects inattendus dans la vie de Brigitte que vous avez voulu mettre en lumière ?
On ne voulait faire ni tabou ni impasse. Certains aspects de sa vie sont traités de manière plus synthétique, mais on les aborde tous. On a choisi de ne rien censurer. Et Brigitte elle-même était d’accord pour que l’on évoque tous les pans de son histoire. Il n’y avait aucune volonté de dissimuler ou de contourner quoi que ce soit, mais plutôt de tout traiter à sa juste place dans le récit.

Quel message espérez-vous transmettre au public ?
C’est d’abord un message très contemporain. Sur plein de sujets, on peut voir que Bardot avait une conscience en avance sur son temps. Notamment sur l’écologie et la défense animale. Quant aux rapports homme-femme, elle ne s’est jamais inscrite dans une logique type #MeToo, alors qu’elle aurait pu. C’était une autre époque, et pourtant elle n’a jamais accepté les compromis qu’on imposait aux femmes. Là où ça parle aux gens, je crois, c’est dans la contradiction. Elle incarne une vérité : nous ne sommes pas tout blanc ou tout noir. Les êtres humains sont faits d’une palette de nuances, de gris. Et chez elle, cette palette est immense. Elle a eu plusieurs vies dans une seule vie.

Et toi, ton plus grand défi dans ce projet ?
C’était de garder cette objectivité-là. Être capable de l’aimer sans l’aduler, d’avoir de la tendresse sans complaisance, de la compassion mais aussi du recul. Ce qui m’a guidé, c’est la musique, la bande-son qu’on a trouvée. Elle évoque à la fois l’enfance, la lumière, la colère, une forme de tristesse… Tous ces contrastes ont été mon fil rouge. Le film nous échappe déjà, il commence à vivre par lui-même. Ça a été un projet difficile. Il y a eu du rejet, certains refusaient d’être associés à son image, de participer, même en tant qu’intervenants. Mais on savait qu’il fallait le faire maintenant, car elle a 90 ans. Et on a aussi voulu impliquer des partenaires à l’international, parce que Bardot est perçue très différemment à l’étranger.

BB en compagnie du guitariste jazz Henri Crolla

Parlons des intervenants dans le film ?
On a eu la chance d’avoir des gens comme Stella McCartney, Naomi Campbell, Paul Watson, Claude Lelouch… Lelouch aurait adoré faire un film avec Bardot, mais ça ne s’est jamais fait. Parmi les intervenants, il y a des proches, des gens qui ont écrit sur elle – des biographes, des spécialistes de ses chansons, de ses films – mais aussi des gens qui ne la connaissaient pas du tout, et qui ont été touchés par ce qu’elle incarne. Naomi Campbell, par exemple, explique que dans les années 90, aucune publicité ne se faisait sans une référence visuelle à Bardot. Elle représentait la femme libre, puissante, sans filtre, drôle, lumineuse, belle… C’est exactement ce que je disais : il y a tout chez elle, et tout est très fort émotionnellement. Quand elle se met en colère, c’est avec intensité. Quand elle aime, c’est de façon dévorante. Que ce soit avec Gainsbourg, ses maris, ou son fils avec lequel elle a eu un lien compliqué, qu’elle a su transformer. C’est un personnage qui a traversé beaucoup de violence. Même de la part des fans. C’est une femme extraordinaire, qui a déchaîné les passions.

Et la musique ?
Nous avons travaillé avec Laurent Perez Del Mar pour composer une musique narrative, plus introspective, très émotionnelle. Ensuite, on a collaboré avec le groupe Madame Monsieur, qui a revisité des titres comme Initials BB, Je t’aime moi non plus – en version instrumentale avec Ibrahim Maalouf à la trompette – Bonnie and Clyde ou encore Harley Davidson. On a réuni un panel d’artistes contemporains de très grande qualité, capables de revisiter Bardot avec respect, tout en apportant un souffle nouveau. Ce sont aussi des clins d’œil à sa collaboration avec Gainsbourg, et à son empreinte musicale dans la pop culture.

Le film sortira début décembre au cinéma sur les écrans

Photos production Bardot, collection Crolla, Sarah Mangeret, avec l’autorisation de Tempel Pictures

Vous ne pouvez pas copier le contenu de cette page